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Au fil des mots [fr]

Qui veut tuer James Bond ? No Time To Die….

Isabelle T. Decourmont

Où est passé James Bond ? On l’attend pour nous sauver, pour éviter que des fous propagent dans l’humanité entière un virus qui pourrait la décimer au travers de nanorobots qui contamineraient par simple contact.

A vos masques et montrez patte blanche dans un pass sanitaire pour connaître la suite…

Quand la réalité rejoint la fiction ! Mais on sait bien que les scientifiques lisent les romans de science fiction, comme si l’imagination des romanciers possédât un pouvoir magique d’anticipation, un talent de visionnaire qu’ils n’ont pas, leur ligne d’horizon ramenée au microscope ou à la touche de l’ordinateur.

C’est ce satané virus, pour ne pas dire ce virus luciférien le bien nommé (clin d’œil à l’un des personnages principaux de « No Time To Die ») qui a tenu loin des salles obscures  depuis 2019 le film monté, mixé, étalonné, mis en boite, comme l’on disait autrefois, quand les bobines tournaient sur les projecteurs.

On a retrouvé James Bond.

Retour tant attendu du héros qui dans le vingt quatrième opus officiel de la série en 2016 semblait nous avoir quittés à jamais, las de sauver Sa Majesté en risquant sa peau à chaque mission et préférant les plaisirs galants auprès d’une blonde pourtant bien fade avec laquelle il s’éloignait à tout jamais, semblait-il, la main dans la main sur l’image finale de Spectre, qui en avait déçu plus d’un.

Mais James Bond n’a pas l’âme d’un rentier petit bourgeois qui boit des gin vodka avec bobonne, les doigts de pied en éventail sur une chaise longue dans une station estivale. Dès la deuxième séquence du film, dans le décor romantique d’une chambre d’hôtel de Matera, village stupéfiant d’étrangeté de la botte italienne, il file un amour, qui dès les premières secondes ne s’avère pas parfait, alors que la blonde Dr Swann l’accuse de la trahir en pensant encore à Vesper Lynd.

Ah chère Léa Seydoux, permettez-moi de vous dire qu’entre vous et elle, ce sont des mondes de talent et de beauté qui vous séparent, aussi je le comprends de ne pouvoir oublier sa belle engloutie, mais revenons à notre histoire. Voulant faire plaisir à sa dulcinée, James va se recueillir pour un dernier adieu sur la tombe de «Vesper», justement à quelques pas de là. Quelle coïncidence…. A peine a-t-il le temps de ramasser une carte déposée au sol dans un bouquet et d’y apercevoir le sigle du Spectre, qu’une explosion le projette au sol alors qu’une bande de tueurs à motos et en voitures surgit et le mitraille. Il leur échappe, par dieu seul sait quel miracle et des prouesses acrobatiques inoubliables. Il rejoint sa blonde à l’hôtel, l’embarque en voiture, la dépose dans un train, abandonnant sans un adieu cette traitresse qui l’a livré à ses ennemis, croit-il, tout cela dans une scène d’anthologie où la spectatrice que je suis sent son cœur s’emballer au rythme des barillets qui se vident.   

Le film est lancé et nous embarqués dans une course contre la montre qui franchit le temps après ce flash back de cinq années.

Durée : deux heures 43 paraît-il, je n’ai pas vu le temps passer, j’y suis même retournée quelques jours plus tard. Pourquoi ? J’ai cru m’être endormie au bout de deux heures trente cinq et avoir imaginé la fin dans un cauchemar.

Renseignements pris : je n’avais pas rêvé.

Cinq ans après la course poursuite à Matera, la caméra réapparait un jour pour filmer l’espion disparu des radars, sortant des vagues, poissons au poing, tel Poséidon solaire  surgissant des flots, mais vous aviez oublié James que Poséidon est aussi « le Seigneur de la Terre »  et le fils de Kronos. C’est effectivement le temps, qui est compté, qui vous rattrapera quand la Cia et votre ami Leitner vous attendront dans votre bungalow pour vous proposer une nouvelle mission. Il vous fait renouer avec votre destin d’ancien soldat, d’ancien marin, enfin de l’espion 007 que vous étiez. Vous ne pouviez pas dire non, je l’avais écrit : la vie de rentier n’est pas pour vous.

Leitner explique à Bond qu’un chercheur qui développait  pour une organisation non identifiée un virus qui devait  éliminer certaines personnes ciblées, a été enlevé avec ses éprouvettes par des inconnus qui pourraient avec cette arme biologique éradiquer une grande partie de l’humanité.

Mais l’histoire est plus compliquée. Quel rôle joue le M16 et la CIA ? Qui est traître et envers qui ? Qui est avec Bond, qui est contre lui ? Qui est le donneur d’ordres de l’arme biologique ? Pour qui ? Pour quoi ? Qui manipule à distance tout ce vilain monde de tueurs ? Quel rôle joue Madeleine Swann, fille d’un médecin au passé criminel ? Et quel est celui de Spectre dans ce panier de crabes qui recommence à semer la mort ?

Bond arrive au nouveau QG du M16 à Whitehall Court. M l’attend, mais 007 lui barre la route.

007…Vraiment ?

Oui. Le monde a changé, depuis cinq ans, cher James, depuis que vous vivez loin de Londres, de M, de Q, de Biofeld qui moisit dans une prison haute sécurité grâce à vous depuis votre dernière mission contre Spectre, depuis que vous avez quitté votre blonde fadasse et larmoyante  dans une gare italienne pour vivre sur une île des Caraïbes à pécher du poisson dans une crique bordée de palmiers et de sable fin.

Cher James, Metoo est passé par là, le gendrisme, la Cancel culture, le LGBTQI RSTUVWXYZ. Je me perds un peu dans les acronymes, que les lecteurs me pardonnent. Les mâles blancs et athlétiques comme vous, James, sont passés de mode et pire, à castrer, à « dégenrer », à éliminer. La censure veille. Ce n’est plus moitié hommes, moitié femmes sur un plateau, non c’est  un damier blanc/noir et camaïeux, de genres divers, féminin, no genre ou genre flou, masculin. Voilà pourquoi le nouveau 007 est une dame de couleur, un bulldozer engoncé dans un costume un peu raide et probablement sans articulations qui l’oblige à se mouvoir comme un robot un peu grippé.

« On vous croyait mort ». C’est ainsi que M s’excuse auprès du Commandant Bond de s’être plié aux nouvelles directives du politiquement correct.

Calmez-vous James, la 007, nommée Nomi, (quel nom ! est-ce no me ou no name , dieu seul le sait, mais dieu est mort comme chacun sait, donc personne n’y comprend plus rien), Nomi, disais-je, demandera dans une heure à ce que l’on vous rende votre rang de commandant et vous rencontrerez enfin une sublime Girl digne de vous à Cuba, à moins que vous ne l’ayez déjà rencontrée, Paloma, Ana  de Armas à la ville, une gazelle bondissante, bourrée de talents, belle comme le jour, fascinante comme la nuit, au visage expressif, qui vous regardera de ses grands yeux magnifiques  et non avec des yeux larmoyants de bouledogue. Elle séduit, enjôle, éblouit et on ne lui offre que quelques minutes à l’écran….Les choses sont mal faites dans ce bas monde ! C’est elle que vous auriez du emmener sur votre île, vous auriez eu moins de problème qu’avec la blonde. A votre place je me plaindrais auprès de Missis Broccoli and C°.

Bonjour Bond aurait dit M, l’autre, la grande et imposante de présence, Missis  Judi Dench. Elle n’est plus là, alors je vous dis : « Bonjour Bond, on vous attendait, vous êtes en retard », Paloma vous l’a déjà dit… « Ravie de vous revoir ».

Craig revient, superbe, athlétique, bouleversant. Un grand acteur dans un grand rôle, qui aurait mérité une distribution à la hauteur du personnage iconique de la série mythique qu’il interprète pour la dernière fois.

Mieux que tous les autres acteurs  qui l’ont précédé, Daniel Craig a su personnifier 007. Pardon pour les fans de Sean Connery ou de Pierce Brosnan, mais Craig a le physique, la carrure et l’allure d’un soldat des services spéciaux  au service de Sa Majesté, de celle-ci ou d’une autre. Sobre, intériorisé, son personnage prend de l’épaisseur, qui me manquait chez ses prédécesseurs. Ce n’est ni un séducteur fat et vaniteux, ni un super héros à qui tout réussit et qui survit sans une écorchure et le sourire aux lèvres à des combats qui tueraient un taureau et à des poursuites à se briser tous les os tels les Bond d’avant « Casino Royal » , c’est un homme de chair et de sang qui sort sacrément cabossé de ses combats, physiquement et psychologiquement, tout en retombant toujours sur ses pattes, comme un grand fauve, souple et silencieux, qui va lécher ses plaies dans le tréfonds de nulle part quand il est blessé. La belle gueule marquée qu’il a acquise en seize ans et quatre films donne encore plus d’authenticité au personnage. Quelque chose s’est durci en lui, quelque chose s’est brisé dans ce Bond, peut-être à l’origine un pressentiment… mais il n’hésite pas à dire oui pour une nouvelle mission quand un ami lui demande de revenir et le combat sera titanesque.

Les 90 premières minutes : du bonheur pur, du vrai James Bond, cascades, poursuites à couper le souffle, paysages et décor superbes, prises de vues talentueuses, mise en place des personnages, scènes de groupe magistralement orchestrées, rupture de rythme, effet de surprise, suspens, action, Aston Martin en dérapage continu et course poursuite. Bravo à l’équipe technique et au metteur en scène américano japonais, Cary Fukunaga.

Des réponses sont apportées aux questions sans réponse qu’avaient pu laisser ouvertes l’histoire alambiquée et parfois confuse des histoires de famille qui s’étaient insinuées dans la trame purement politico-maffieuse de la grande criminalité internationale et qui faisaient de James Bond une bête à abattre pour lui-même et non seulement pour ce qu’il représentait, un espion anglais.

Bond parviendra-t-il à sauver l’humanité, à détruire sur une île, quelque part entre la Chine et la Russie les virus de la ferme empoisonnée du mégalomane Lyutsifer Safin (interprété par Rami Malek), qui était apparu à l’écran  dès le début du film dans une scène insoutenable, peut-être parce qu’elle mettait en scène une petite fille dans une scène atroce. Il est l’instigateur de l’empoisonnement général de la planète qui doit s’accomplir au travers de nanorobots codés sur des ADN individuelles qui contaminent par simple contact les humains génétiquement proches,  arme biologique de destruction massive capable de faire des milliards de victimes.

Là où le film faiblit c’est lorsque Madeleine réapparait, la dernière image de Spectre porte en elle tout ce qui gâchera la deuxième partie de « Attendre pour mourir ». Erreur de distribution, qu’il aurait fallu corriger dès Spectre, erreur impardonnable que Craig lui-même n’a pu empêcher.

Cette Madeleine Swann entrave non seulement  le jeu de Daniel Craig mais affaiblit la crédibilité du personnage de Bond en diluant l’impact sur le spectateur des dernières scènes et de la dernières apparition du héros, gommées par sa non présence, son non-jeu qui fait baisser la tension du film, rend insipide et même insupportable la dernière séquence, comme elle rendait  peu crédible leurs retrouvailles dans le chalet dans la neige où elle s’était réfugiée.

Si Craig est à la hauteur du grand final et du rôle, la Madeleine face à lui est insipide et inexistante.  Aussi bouleversante qu’une motte de beurre en train de fondre dans une tasse de thé. Elle fige la fin du film.

Dans les dernières minutes le drame atteint son paroxysme,  la mission et les sentiments personnels de Bond s’enchevêtrent, complexifiant son action, mais lui donnant en même temps une double motivation pour se battre jusqu’au dernier souffle.  Là où 007 et l’amant de Madeleine, le héros et l’homme se  fondent  en un seul et même être qui portent l’issue de l’action au travers d’un double combat ouvrant sur le grand final, on attendait des adieux bouleversants entre LE héros iconique James Bond 007 et la femme aimée qui devait alors exprimer de façon déchirante la passion qui la liait à lui et donner ainsi un sens à son sacrifice : une séquence inoubliable du 7ème art, une scène d’amour sublime digne d’une tragédie des Atrides en des temps modernes, qui auraient apporté à la série une nouvelle dimension et aux cinéphiles un souvenir inoubliable.

Il y n’y eut pas de dialogue. Seul un monologue dans un final dantesque. Une autre façon de tuer James Bond. Mais comme on le sait, les héros heureusement sont immortels.

Adieu James Bond. Adieu Daniel Craig. On vous a beaucoup aimés. On ne vous oubliera jamais.

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