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Au fil des mots

La Galerie Gismondi, la magie d’un palais florentin Rue Royale

Isabelle T. Decourmont

 

La première chuchota au dessus du berceau «  je t’offre l’amour du Beau », la seconde se pencha et murmura «  tu seras chercheur de trésors », la troisième fée susurra au petit enfant endormi « dans tes palais de jade, de malachite et de jaspe, les plus grands de ce monde viendront te rendre visite », la quatrième fée fit un geste de la main qui ressemblait à une bénédiction en disant « que ta descendance soit digne de toi » et toutes quatre s’évanouirent comme se dissipe un rêve.

Il sembla au jeune couple d’Italiens émigrés, qu’un léger courant d’air traversait le petit logis d’Antibes où ils avaient trouvé refuge en cette fatidique  année 1940 à quelques pas de leur patrie que Gismondi père avait fuie, et qu’une inhabituelle lumière irisée conférait au simple mobilier des reflets d’émaux, au papier peint fané des miroitements de soie irisée. La jeune mère troublée se pencha sur le berceau mais Jean dormait et semblait sourire aux anges.

Dans la somptueuse galerie au 20 de la Rue Royale, on m’a raconté une autre histoire, une famille modeste d’Italiens émigrés, les Gismondi, petit Jean, enfant pauvre d’une famille laborieuse,  qui au sortir de l’enfance travaille durement mais collectionneur dans l’âme et passionné par l’art, doué pour le dessin, amoureux d’architecture, achète et vend, ouvre une modeste galerie à Antibes, Don Quichotte, monte à Paris, sera un des fondateurs du Salon des Antiquaires, ouvrira une galerie dans le prestigieux Louvre des Antiquaires, créera un palais des mille et une nuits et des mille et un trésors à deux pas du Faubourg Saint Honoré, du Crillon, de la Place de la Concorde : la Galerie Gismondi.

Il est certain que des fées généreuses se penchèrent sur son berceau, lui racontèrent la nuit l’Italie, la Terre des Arts d’où venaient ses ancêtres, les beautés des palais florentins et romains de la Renaissance, les merveilles de Byzance, de Venise, de Prague, l’y conduisirent lors de voyages nocturnes, entrouvrirent pour lui les chroniques effacées de Louis XIV, dansèrent avec lui dans ses appartements et sur le parquet de la Galerie des Glaces entre les commodes d’argent, infusèrent dans ses veines du sang de rubis et des réminiscences d’ébène incrusté de lapis, d’ivoire et de jade, cerné de bronze doré,  lui firent signer sur le plateau en marbre et pierres dures  à motifs de rinceaux feuillages affrontés en jaspe, assis sur un fauteuil du grand Roi, le passe droit qu’elles lui octroyaient afin qu’il fasse revivre dans des décors princiers des collections présentant les plus précieuses œuvres d’art des cours ducales, royales, impériales des XVII, XVIII, XIXème siècles.

Mais n’est-ce pas une même histoire, car un peu de désir et de don ne suffisent pas pour devenir un adulte capable de se forger un destin, il faut avoir appris à ses dépens que la vie se mérite et puiser l’audace et la persévérance dans la douleur et le dépassement de soi. Jean ne cherchait pas le bonheur, qui s’étiole avec le temps, mais la joie intérieure qui nait au contact du Beau et du Vrai et qui se nourrit d’elle-même. Bel accomplissement que la biographie de ce grand antiquaire des meubles Renaissance et de l’époque Louis XIV, exemple à suivre de foi en la Beauté et de volonté.

Entrer dans la Galerie Gismondi Rue Royale, c’est entrer dans un autre univers, c’est laisser de l’autre côté de la porte le bruit des marteaux piqueurs de l’actualité de notre époque, c’est accomplir un voyage initiatique. Le lieu est fascinant : une double vitrine telle une antichambre de demeure raffinée entoure une porte vitrée au travers de laquelle on devine dans la lumière tamisée d’un au-delà mystérieux des incandescences de pierres incrustées dans des bois d’acajou et des ors se re…

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